Les Bijoux
La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
À mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe !
– Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre !
Les Fleurs du Mal
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages.
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
les bijoux, benoit lemoine, livre unique, encres et collages
Les Bijoux est un poème écrit par Charles Baudelaire
et publié pour la première fois dans Les Fleurs du mal
en 1857, puis retiré de force de l'édition de 1861
à cause d'une condamnation de Baudelaire
pour « outrage à la morale publique
et aux bonnes mœurs ».
Il est republié en 1866, à Bruxelles,
dans le recueil Les Épaves.